Les calendriers III

La diversité des calendriers et la maîtrise du temps

Le calendrier républicain

Le calendrier grégorien, malgré ses défauts, peut être considéré comme un excellent calendrier solaire et n'a pas été remplacé. Les turpitudes de la vie politique tentèrent cependant de le rayer en imposant un calendrier républicain.
À la révolution française, la Convention créa une commission de réforme sur proposition du professeur de mathématiques Charles Gilbert Romme (1750-1795) et du poète Philippe Nazaire François Fabre (dit Fabre d'Églantine, 1750-1794), l'astronome Pierre Simon de Laplace (1749-1827) y participa également. Cette Assemblée révolutionnaire décida, le 24 octobre 1793, l'adoption d'un nouveau calendrier qui libérerait la société de la tutelle de l'Église et de dater les actes publics de l'an 1 de la République à partir du 22 septembre 1792, la veille marquant l'abolition de la royauté.
Ce calendrier adoptant une structure décimale, la semaine fut remplacée par la décade, chacun des jours portant un nom latin : primidi au lieu de lundi, puis duodi, etc. La journée était divisée en 10 heures, l'heure en 100 minutes et la minute en 100 secondes. Le decadi se substitua au dimanche et célébré par un culte civique. Les saints et les fêtes chrétiennes furent remplacés par les noms des grands hommes ayant contribué au progrès de l'humanité, par la mention des inventions, des arts, des sciences ou des techniques… ou le rappel des grands principes de la révolution : la jeunesse, la philanthropie, l'être suprême (?), etc.
Les mois, baptisés par le poète Fabre d'Églantine, tirent leurs dénominations de phénomènes climatiques ou saisonniers : germinal, floréal et prairial pour le printemps ; messidor, thermidor et fructidor en été ; vendémiaire, brumaire ainsi que frimaire pour l'automne suivi de nivôse, pluviôse et ventôse.
Malgré cette rigide logique (ou à cause d'elle), une année de 12 mois de 3 décades ne totalise que 360 jours. Pour faire le bon compte les jours additionnels reçurent des noms altiers : Vertus, Génie, Travail, Opinion, Récompenses ainsi que la Sans-culottide pour les années bissextiles. À son arrivée au pouvoir, Napoléon s'empressera de rétablir le calendrier grégorien, le 10 nivôse an XIV redevient 31 décembre 1805, et ses fêtes religieuses traditionnelles.
D'autres tentatives infructueuses ne sont pas restées dans les annales. Pour la même raison : supprimer toute trace d'influence chrétienne, le gouvernement soviétique tenta d'imposer un calendrier révolutionnaire en 1929. Les mois, bien que conservant leurs noms grégoriens, passaient à 6 semaines de 5 jours, chacun étant simplement porteur d'un numéro. Les 5 à 6 jours supplémentaires nécessaires pour se recaler sur l'année tropiqueAnnée tropique : période séparant deux passages successifs du Soleil au point vernal. Elle vaut 365,2422 jours.
Glossaire
furent décrétés jours fériés. En 1940, l'URSS revenait au calendrier grégorien.
En France, d'autres essais ont été tentés : le philosophe Auguste Comte (1798-1857) conçut un calendrier fixe de 13 mois de 28 jours, avec les correctifs nécessaires. En 1887, le poète Gaston Armelin (1860-1941) tenta également un « calendrier universel ». Le projet, approuvé par 70 pays, sera dans un premier temps ajourné en raison de la Seconde Guerre mondiale ; repris en 1954, il se voit finalement rejeté suite à l'opposition du Vatican.

Calendrier républicain
Un calendrier républicain

La semaine

Héritée des hébreux, cette disposition sera importée en occident par les romains avant le IIIe siècle de notre ère. Le mot « semaine » vient du latin septimana qui dérive de septem : sept. Les 7 jours qui la composent tirent leurs noms des 7 planètesPlanète : nom initialement attribué aux points lumineux vagabondant parmi les étoiles, planêtos signifie « astres errants » en grec.
Glossaire
visibles à l'œil nu. Ignorant la nature de ces astres, les romains avaient évalué leurs distances d'après leurs durées de révolution apparente. La plus rapide étant considérée comme la plus proche, on a selon la distance décroissante à la Terre : SaturneSaturne
Jupiter, Uranus et Neptune possédent également un système d'anneaux, seul celui de Saturne peut être visible depuis la Terre…
Planète Saturne
, JupiterJupiter
La plus grosse planète du Système solaire est aussi celle qui tourne le plus rapidement sur elle-même : un peu moins de dix heures au niveau de l'équateur…
Planète Jupiter
, MarsMars
Mars possède une atmosphère très ténue qui permet une observation de son sol que seules de violentes tempêtes de poussière parviennent à voiler…
Planète Mars
, SoleilSoleil
Le Soleil n'est que l'une des 100 milliards d'étoiles qui constituent notre Galaxie.
Étoile Soleil
, VénusVénus
Ses élongations maximales approchent les 48° et, en raison de son albédo élevé, elle peut être observée plus facilement que Mercure…
Planète Vénus
, MercureMercure
En raison de sa proximité avec notre étoile, elle reste difficile à observer car toujours baignée dans les lueurs de l'aube ou du crépuscule…
Planète Mercure
et LuneLune
Le couple Terre-Lune peut être considéré comme une planète double qui orbite autour du Soleil à partir d'un centre de gravité commun…
Lune
.
L'ordre choisi par les romains était celui de l'influence des planètes sur la première heure de chaque journée. Cette influence était fonction de la distance (cette théorie est pardonnable car liée à une vision du ciel que pouvait avoir un homme il y a 2 000 ans) et Saturne se voyait attribuer la première heure du premier jour : le jour du sabbat. C'est « jour du sabbat », sabbati dies (et non Saturni dies !), qui donne notre samedi.
Jupiter régissait la seconde heure, Mars la troisième…, la huitième revenait à nouveau à Saturne et le cycle recommençait inlassablement pour les 24 heures. La 25e heure se retrouvait ainsi sous l'influence du Soleil, la deuxième journée lui était consacrée. Notre dimanche (chrétien) vient de « jour du Seigneur », dies dominica. Le « jour du Soleil » donnera les Sunday, Sontag…
Suivant le même principe, les journées suivantes se plaçaient tour à tour sous la domination de la Lune, de Mars, de Mercure, de Jupiter et enfin de Vénus. La semaine suivante redémarrait à nouveau sous la protection de Saturne.
Le « jour de Saturne » était période de repos pour les romains, car dédié à la planète possédant la plus haute sphère et donc au plus grand pouvoir. Il était un jour de mauvais augure où toute activité humaine ne pouvait être que vouée à l'échec.
Désireux de rompre avec le polythéisme à l'origine des noms des jours de la semaine, certains groupes humains les ont remplacés par une simple numérotation. L'église catholique tenta également d'y mettre un terme dès l'implantation du catholicisme dans le monde romain. Bien que mettant à profit les croyances et les préjugés de ces derniers, elle ne parvint finalement qu'à faire adopter le dimanche comme jour de repos.
C'est une loi de l'empereur Constantin qui ordonne, le 3 juillet 321, que le dimanche, appelé officiellement « le jour vénérable du Soleil », soit un jour de repos obligatoire pour les juges, les fonctionnaires et les plèbes urbaines. L'organisation du temps en semaine se trouve officialisée par cette loi.

La date julienne

Lorsqu'il s'agit de calculer la périodicité d'un phénomène astronomique, l'opération devient vite un véritable casse-tête avec un calendrier traditionnel ; sur des périodes de plusieurs années il faut également tenir compte des années bissextiles. Pour pallier ce défaut majeur, les astronomes utilisent leur propre calendrier, il ne connaît qu'une seule subdivision : le jour.
L'utilisation de cet « almanach universel » remonte à 1849, elle revient à John HerschelJohn Herschel
Observant à l'observatoire de Slough (banlieue de Londres) de 1826 à 1832, puis depuis le Cap (Afrique du Sud) entre 1833 et 1837, il publiera ses travaux sous la forme d'un Grand catalogue de 10 200 étoiles doubles et multiples…
Glossaire
(1792-1871). En réalité, il reprit des travaux effectués par le philosophe français, d'origine italienne, Giuseppe Giusto Scaligero (Joseph Juste Scaliger, 1540-1609). Ce dernier, essayant d'établir une première chronologie globale en coordonnant les multiples calendriers, avait déjà imaginé en 1583 une « période julienne » qu'il a décrit dans son Opus Novum de Emendatione Temporum. Elle est ainsi nommée par analogie avec le calendrier julien. Étant protestant, il refuse l'adoption du calendrier grégorien instauré le 24 février de l'année précédente par… un pape : Grégoire XIII !
Cette méthode lui permettait de passer beaucoup plus facilement d'un système de datation à un autre. L'origine de cette période julienne y était fixée à l'année -4712. Le choix de cette date n'est pas (totalement) arbitraire. Elle découle essentiellement de la volonté de placer l'origne le 1er janvier d'une année bissextile et de conserver quelques « traditions ».
La date origine fixée par Scaliger est en réalité le lundi 1er janvier ~4713. Le symbole ~ (tilde) placé devant la date indique qu'elle ne tient pas compte d'une année « zéro ». Conventionnellement, la première année précédent le début de l'ère chrétienne est notée −1 (ou 1 avant J.-C.). Cette année est bissextile, par extension les autres années bissextiles deviennent −5, −9, −13, etc, perdant ainsi leur divisibilité par 4. En notant 0 la première année de notre ère, la règle de divisibilité par 4 des années bissextiles se trouve conservée (elles deviennent : −4, −8, −12, etc. C'est cette notation, instaurée par l'astronome Jacques Cassini (1677-1756) en 1740, qui est utilisée dans le calcul des éphéméridesÉphémérides : Listes de données astronomiques donnant la position, heures de lever et coucher, éclat, etc., d'un astre pour une date donnée.
Glossaire
. Elle permet de correctement calculer le nombre d'années séparant une année « négative » d'une année « positive ».
Suivant l'usage des astronomes de l'époque, John Herschel fit débuter son calendrier… à midi ! Le premier « jour » étant numéroté 0, le jour 1 de ce calendrier ne commence que le deuxième jour à midi (Temps UniverselTemps universel : Temps solaire moyen de Greenwich + 12 heures.
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). Ainsi suivant cette convention, le jour julien 0 commence le 1er janvier −4712 à 12 h et le début de notre année 2000 équivaut à la date julienne 2 451 544,5. Il est évidemment possible d'exprimer des fractions de date julienne. La date julienne est la durée écoulée depuis le 1er janvier −4712 à 12 heures. Elle est exprimée en jours avec fraction décimale. Le jour julien est la partie entière de cette date julienne.

Giuseppe Giusto Scaligero
Joseph Juste Scaliger (1540-1609), le véritable instigateur du jour julien